Il y a quatre ans, j'ai prêté serment en tant que 39e gouverneur de l'Illinois. Cela ne fait que quatre ans ; lorsque je faisais entièrement confiance à la justice américaine et à la peine de mort. Je pensais qu'il était juste et honnête de prendre la vie de celui qui en avait fait de même. Aujourd'hui, 3 jours avant la fin de mon mandat de Gouverneur, je suis ici devant vous pour vous exposer mes frustrations et ma profonde préoccupation quant à la peine capitale et à son application. Ceci est tout à fait approprié puisque nous sommes rassemblés ici à l'Université de Northwestern avec les étudiants, les professeurs, les avocats et les enquêteurs qui, les premiers, ont fait la lumière sur les conditions affligeantes du système de la peine capitale en Illinois. Les Professeurs Larry Marshall, Dave Protess, avec leurs étudiants et l'enquêteur Paul Ciolino, sont allés au-delà. Ils ont permis la libération des Ford Heights Four, ils ont sauvé la vie d'Anthony Porter, ils se sont battus pour Rolando Cruz et Alex Hernandez. Ils ont dévoué leurs efforts pour Aaron Patterson, un jeune homme qui a perdu 15 ans de sa vie en prison et pour LeRoy Orange qui a perdu les 17 meilleures années de sa vie dans le couloir de la mort. Il est également approprié que nous soyons réunis avec des personnes dévouées comme Andrea Lyon qui a travaillé si dur en première ligne lors des procès de peine capitale et ce depuis de nombreuses années et qui aujourd'hui investi sa passion dans la création d'un centre de l'innocence à l'université de DePaul. Vous avez sauvé la vie de Madison Hobley. Ensemble vous avez sauvé les vies et assuré la liberté de 17 hommes, des hommes injustement condamnés qui pourrissaient dans le couloir de la mort de notre état. Ce que vous avez accompli relève des plus hautes valeurs morales. Merci à vous ! Oui, il est vrai que je suis ici avec vous, d'une certaine manière, là où avait commencé mon chemin de supporter de la peine capitale et où mon rôle de réformateur a commencé. Mais je dois vous dire que depuis le début de ce chemin, mes pensées et sentiments à propos de la peine de mort ont changé à maintes reprises. Je réalise que pendant cette phase de bilan, j'avais dit que je n'accorderais pas une grâce générale. J'avais dit également qu'il s'agissait d'une solution et que je considérerais toutes les options. Pendant toute cette période dans mes fonctions officielles, je me suis toujours accordé le droit de changer d'avis si je pense que l'intérêt du public est en jeu, qu'il s'agisse des impôts, de l'avortement ou de la peine de mort. Mais je dois avouer que le débat le plus difficile auquel j'ai été confronté aura été celui de la peine capitale. J'imagine que c'était le plus difficile parce qu'irréversible, la seule loi qui détermine qui peut vivre et qui doit mourir. De plus, c'est sans doute le seul sujet qui suscite autant de débats juridiques à travers le pays. J'ai reçu plus d'avis et de conseils sur ce sujet que sur n'importe quel autre que j'ai eu à traiter au cours de mes 35 années au service de l'Etat. J'ai toujours gardé l'esprit ouvert, écouté et débattu avec les familles de victimes aussi bien qu'avec les familles des condamnés à mort. Je sais que quelle que soit ma décision, elle sera rejetée par un camp ou par l'autre. Je sais que ma décision ne sera que cela : ma décision basée sur la totalité des faits que j'ai pu réunir au cours des 3 dernières années. Je ne serais peut-être jamais à l'aise avec ma décision finale, mais je suis intimement persuadé que j'aurais fait de mon mieux pour ce qui est juste. Ceci étant dit, je voudrais vous raconter l'histoire suivante : J'ai grandi à Kankakee qui aujourd'hui encore est une petite ville de l'Ouest, un endroit où tout le monde se connaît. Steve Small était l'un de mes voisins. Je l'ai vu grandir. Il gardait mes enfants, ce qui n'était pas une mince affaire car Lura Lynn et moi ont eu 6 enfants, dont 5 à l'époque avaient moins de 3 ans. C'était un jeune homme intelligent qui travaillait dans l'entreprise familiale. Il s'est marié et a eu trois enfants avec son épouse. Lura Lynn était particulièrement proche d'eux. Nous étions rassurés de savoir qu'il était là pour nous et que nous étions là pour lui. Une nuit de Septembre aux alentours de minuit, il a reçu un coup de fil pour l'informer qu'un cambriolage avait eu lieu sur l'un des chantiers où il travaillait. Mais lorsqu'il est sorti de chez lui, il s'est retrouvé face à ses ravisseurs, une arme sur la tempe. Les ravisseurs l'ont enterré vivant, il est mort asphyxié avant que la police ne puisse le trouver. Ses assassins ont mené les enquêteurs à l'endroit où Steve était enterré. Le meurtrier, Danny Edwards vivait aussi dans notre ville. Il est maintenant dans le couloir de la mort. Je connais également sa famille. Je partage cette histoire avec vous pour que vous sachiez que je n'ai pas abordé ce problème comme un néophyte sans expérience personnelle de la pilule amère que doivent avaler les survivants de tels crimes. Mes responsabilités et mes obligations dépassent largement le cadre de ma famille et de mes voisins. Je représente tous les habitants de l'Illinois, que cela plaise ou non. La décision que je prends par rapport à notre justice est ressentie non seulement ici, mais à travers le monde. L'autre jour j'ai reçu un appel de Nelson Mandela, l'ancien Président d'Afrique du Sud. Il m'a rappelé que les Etats-Unis sont un modèle de justice et d'honnêteté pour le reste du monde. Aujourd'hui les Etats-Unis ne sont pas de mèche avec ses principaux alliés : l'Europe, le Canada, le Mexique et une grande partie de l'Amérique centrale et du sud. Ces pays ont rejeté la peine capitale. Nous sommes partenaires dans la mort avec plusieurs pays du tiers-monde. Même la Russie a instauré un moratoire. La peine de mort a été abolie dans 12 états. Dans aucun de ces états, le nombre des crimes n'a augmenté. En Illinois l'année passée, nous avons eu 1000 meurtres, seulement 2 % de ces 1000 ont donné lieu à des condamnations à mort. Où se trouvent l'égalité et la justice ? La peine de mort en Illinois n'est pas appliquée justement ou uniformément à cause de l'absence de critères pour les 102 procureurs de l'Illinois qui doivent décider de requérir ou non la peine capitale. Est-ce que la géographie doit être un facteur déterminant pour décider qui sera condamné à mort ? Je ne le crois pas, mais en Illinois cela fait une différence. Vous avez 5 fois plus de risques d'être condamné à mort pour un meurtre au premier degré dans une zone rurale de l'Illinois que dans le Comté de Cook. Où est la justice et l'honnêteté ? Où est la proportionnalité ? Le Grand Révérend Desmond Tutu m'a écrit cette semaine et déclaré que " prendre une vie en réponse pour une autre vie volée n'est pas la justice, mais la vengeance. " Il dit que " la justice doit permettre la pitié, la clémence et la compassion. Ces vertus ne sont pas des faiblesses ". " En fait, la faiblesse la plus évidente est que, aussi efficace que puisse paraître la peine capitale, en réalité elle est principalement appliquée aux faibles, aux pauvres, aux analphabètes et aux minorités raciales ". Ces mots sont ceux que l'ancien Gouverneur de Californie Pat Brown a écrits dans son livre " Justice Publique, Indulgence Privée " il y a plus de 50 ans, rien n'a quasiment changé depuis. Je n'avais jamais prévu de militer pour cette cause. J'ai regardé avec surprise la libération d'Anthony Porter quand il est sorti de prison. En homme libre, il a sauté dans les bras du Professeur Dave Protess, de l'Université de Northwestern, qui s'est dévoué corps et âme, avec ses étudiants en journalisme, pour prouver son innocence. Il était à 48 heures de la chambre d'exécution où l'Etat l'aurait tué. Cela n'aurait rien eu de particulier et la plupart d'entre nous n'auraient sans doute pas sourcillé, sauf qu'Anthony Porter était innocent d'un double meurtre pour lequel il avait été condamné à mort. Après le dossier de M. Porter, il y a eu le rapport des journalistes Steve Mills et Ken Armstrong du Chicago Tribune qui a documenté les failles systématiques de notre système de peine capitale. Quasiment la moitié des 300 sentences de mort en Illinois a été cassée et obtenue un nouveau procès ou un nouveau verdict. Presque la moitié ! 33 de ces condamnés à mort avaient été représentés lors de leur procès par des avocats qui, ultérieurement, ont été radiés du barreau où qui, à un moment ou à un autre, ont été suspendus de leur fonction. Des plus de 160 condamnés à mort, 25 étaient des accusés Afro-Américains qui ont été jugés et condamnés à mourir par un jury composé entièrement de personnes blanches. Plus des deux tiers des condamnés à mort étaient Afro-Américains. 46 condamnés à mort l'ont été sur la base de témoignages fournis par des informateurs en prison. Je me souviens avoir lu ces dossiers et l'information fournie par le rapport de Mills et Armstrong et avoir demandé à mon équipe : " Comment est-ce possible ? Comment au non de Dieu cela peut-il exister ? Je ne suis pas avocat, alors que quelqu'un m'explique ". Mais personne n'a pu le faire jusqu'à aujourd'hui. Puis pendant les mois suivants, il y a eu trois autres hommes acquittés et libérés car leurs condamnations avaient été obtenues grâce à des témoignages d'indicateurs en prison ou grâce à la nouvelle technologie de l'ADN qui a prouvé leur innocence de façon indiscutable. Nous avions alors la comparaison flagrante d'un nombre plus important d'acquittements que d'exécutions. 13 hommes avaient été innocentés, 12 exécutés. Comme je l'ai indiqué hier, il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit que le nombre d'innocents libérés de notre couloir de la mort est de 17 hommes, en incluant Aaron Patterson, Madison Hobley, Stanley Howard et Leroy Orange. Nous avons ici un problème grave, l'acquittement de 17 hommes n'est pas loin d'être un échec catastrophique. Mais les 13, maintenant 17 hommes, ne sont que le commencement de notre pauvre arithmétique sur les poursuites judiciaires concernant les cas de meurtres. Pendant cette période d'application de la peine capitale en Illinois, il y a eu au moins 33 autres personnes injustement condamnées puis acquittées. Depuis que nous avons réintroduit la peine de mort, il y a également 93 personnes pour lesquelles notre justice a imposé les sentences les plus sévères pour ensuite réduire ces peines ou libérer les individus concernés qui étaient en fait innocents. Combien d'autres cas d'erreurs judiciaires va-t-il falloir pour que nous acceptions tous que la machine est cassée ? Pendant toute cette période, j'ai écouté de nombreux points de vue. J'ai eu l'occasion de revoir chacun des dossiers des condamnés à mort. J'ai organisé des réunions privées, une à Springfield et l'autre à Chicago, avec les membres des familles de victimes. Chacun dans la pièce qui voulait s'exprimer a eu l'opportunité de le faire. Certains voulaient exprimer leur chagrin, d'autres leur colère. J'ai tout ingéré. Ma commission et mes collaborateurs ont revu systématiquement chaque dossier pendant ces trois dernières années. Et j'ai redoublé d'efforts pour étudier chaque dossier personnellement afin de pouvoir répondre aux préoccupations des procureurs et des familles de victimes. Cette analyse individuelle a naturellement engagé un examen collectif de notre système de peine capitale dans sa globalité. J'ai également eu une réunion avec un groupe de gens dont on entend très peu parler et qui ne sont pas très populaires auprès des média. Les familles des condamnés à mort sont confrontées à une situation très particulière. J'ai passé une après-midi avec ces familles, ici à l'Eglise Catholique de Chicago. Lors de cette réunion, j'ai perçu plusieurs sortes de douleurs. Nombreuses sont ces familles qui vivent avec la souffrance de savoir non seulement que, dans certains cas, un membre de leur famille est responsable d'un traumatisme énorme subi par une autre famille, mais également la douleur de savoir que la société réclame un autre meurtre. Ces parents, proches et enfants ne sont pas à blâmer pour le crime commis, pourtant ces innocents doivent faire face à la mort de l'un des leurs aux mains de l'Etat. Comme M. Mandela me l'a dit, ils sont aussi brisés et blessés pour la vie à cause d'un crime commis par un membre de leur famille. D'autres étaient encore plus tourmentés par le fait que leurs proches ne sont en fait que de nouvelles victimes et qu'ils sont convaincus de leur innocence des crimes qui les ont fait condamner à mort. C'est lors de cette réunion que j'ai regardé Claude Lee dans les yeux, le père d'Eric Lee, condamné pour le meurtre du policier Anthony Samfay, il y a quelques années. C'était un événement traumatisant, une fois encore dans ma ville. Un bon officier de police, membre de ce corps de métier qui nous protège tous, tué par un acte de violence gratuite. Si vous tuez un officier de police, vous n'avez aucun respect pour la loi des hommes et celle de Dieu. Je connais la famille Lee depuis un certain nombre d'années. Il n'y a pas vraiment de doute quant à la culpabilité d'Eric. Pourtant, je peux dire maintenant après notre travail d'analyse, qu'il n'y a pas non plus de doute sur le fait qu'Eric est sérieusement malade, avec un historique de maladie mentale datant de plusieurs années. Le crime commis était terrible, l'assassinat d'un officier de police. La société demande que la sanction la plus dure soit appliquée. Mais je me suis demandé si je pouvais envoyer un fils à la mort avec un système de peine capitale aussi détraqué que celui de l'Illinois ? Un jeune homme dérangé avec un passé de maladie mentale ? Pouvais-je m'en remettre à la justice de l'Illinois et qu'elle ne commette pas une autre erreur ? Aux Etats-Unis la vaste majorité des exécutés sont psychotiques, alcooliques, drogués ou mentalement atteints. Ils ont souvent grandi dans un environnement pauvre et violent. Rares sont les gens avec de l'argent et du prestige qui se retrouvent condamnés à mort, encore plus rares ceux qui sont exécutés. Pour citer à nouveau le Gouverneur Brown, il a déclaré : " La société a le devoir moral et le droit de se défendre contre ses ennemis. Cette évidence naturelle et préhistorique n'a jamais été réfutée. Si en ordonnant la mort, la société est réellement protégée et que nos maisons et nos institutions sont bien gardées, alors dans ce cas , la punition la plus extrême peut se justifier ". " Au-delà de son honneur et de son incrédulité, elle n'a jamais protégé les innocents ni découragé les criminels. Les crimes sanctionnés publiquement ont réduit la vie humaine et la dignité sans jamais accorder la grâce d'une justice rapide, voire même humaine. " Avec le droit de grâce, la question était de savoir si tous ou certains des condamnés à mort verraient leur sentence de mort commuée en perpétuité incompressible. Un sujet abordé avec les familles était que la perpétuité incompressible apparaissait comme une vie remplie d'avantages. Certains prisonniers du couloir de la mort ne veulent pas voir leur peine commuée à la perpétuité incompressible. Danny Edwards m'a écrit pour me demander de ne pas lui faire de cadeau car il ne veut pas passer sa vie en prison sans espoir de liberté conditionnelle. Ils seraient incarcérés dans une cellule de 5 pieds par 12 pieds partagée en général par deux personnes. Nos prisons n'ont pas l'air conditionné, sauf dans les prisons de haute sécurité où les prisonniers sont en cellule 23 heures par jour. Pendant les mois d'été, la température dépasse les 40°. C'est une existence austère et triste. Ils peuvent réfléchir à leurs crimes. La peine à perpétuité incompressible a parfois été décrite par des procureurs comme une destinée bien pire que la mort. Hier, j'ai mentionné une action judiciaire dans le Comté de Livingston où un juge a décidé que l'administration pénitentiaire ne peut pas nourrir de force deux prisonniers en grève de la faim. Le juge a déclaré que le suicide par grève de la faim n'était pas une action irrationnelle de la part des prisonniers étant donné la nature de leur avenir. Un peu plut tôt cette année, la Cour Suprême des Etats-Unis a déclaré qu'il est anticonstitutionnel d'exécuter des attardés mentaux car cela constitue une punition cruelle et inhabituelle. Cela fait maintenant force de loi. Combien de gens dans cette catégorie avons-nous déjà exécutés et qui sont morts et enterrés ? Même si nous savons maintenant qu'ils ont été exécutés illégalement et en violation de la Constitution. Est-ce que cela est juste ? Est-ce que cela est bien ? Cette décision de la Cour Suprême remonte au printemps dernier. L'Assemblée Générale n'a pas su prendre les mesures nécessaires pour définir la déficience mentale. Nous sommes comme un bateau à la dérive parce que personne n'a agi. Ceci même après que la Cour Suprême de l'Illinois ait prévenu les législateurs qu'il était de leur ressort de s'en occuper et que cela devait être fait. J'avais débuté ce travail avec la préoccupation principale de l'innocence. Mais après avoir étudié, réfléchi sur ce que notre justice est devenue, j'ai commencé à me soucier avant tout de ce qui est juste. L'honnêteté est fondamentale pour la justice américaine et pour notre style de vie. Les faits que j'ai étudiés dans chaque dossier et pour chacun de ces cas ont soulevé des questions, non seulement sur l'innocence des condamnés à mort, mais sur l'honnêteté du système de la peine capitale dans son ensemble. Si le système commet tant d'erreurs en déterminant la culpabilité de quelqu'un en premier lieu, comment peut-il trancher avec justesse et précision qui mérite de vivre ou de mourir ? Quel rôle joue l'appartenance raciale ? Quel est l'effet de la pauvreté ? Pour la quasi-totalité des 17 acquittements, nous n'avions pas seulement des failles dans le système policier, chez les juges et les procureurs, mais nous avions aussi des cas effroyables d'avocats commis d'office médiocres. Il n'y a pas cinquante façons de le dire, certains avocats ne prenaient pas contact avec leurs clients, ne faisaient aucune enquête et n'étaient absolument pas compétents pour traiter de tels dossiers. Souvent, ils ne faisaient aucun effort pour contrer une sentence de mort. Si votre vie est en jeu, votre avocat est sensé vous défendre. Comme je l'ai déjà dit, les responsabilités sont multiples. Je me posais encore des questions. En Illinois, j'ai appris que nous avons 102 décisionnaires. Chacun d'entre eux est élu politiquement, chacun attentif aux demandes de sa communauté et, dans certains cas, celles des média et particulièrement les demandes criantes des familles de victime. Pour les cas qui retiennent l'attention des média et du public, est-ce que les décisions de requérir la peine capitale sont plus fréquentes ? Sur quels critères les procureurs se basent-ils ? Beaucoup de gens ont assailli mon bureau de demandes de grâce, un pouvoir que littéralement des centaines d'étudiants en droit défendent à travers le pays. Mais les procureurs de l'Illinois ont le pouvoir ultime d'accorder la grâce, un pouvoir exercé au quotidien. Ils décident qui sera passible de la peine de mort, qui bénéficiera d'un accord ou qui échappera complètement au labyrinthe de la procédure. Sur quels critères objectifs peuvent-ils prendre cette décision ? Qu'en savons-nous ? Ces décisions ne sont pas rendues publiques. Il y a eu plus de 1000 meurtres en Illinois l'année dernière. Il n'y a aucun doute que tous les meurtres sont horribles et cruels. Pourtant, moins de 2 % de ces criminels ont été punis par une sentence de mort. Cela signifie que 98 % des familles de victimes n'ont pas et n'auront pas la satisfaction, qu'elles pensent pouvoir en en retirer, de l'exécution du meurtrier. De plus, si vous regardez ces dossiers comme je l'ai fait, de manière individuelle ou collective, un meurtre commis dans les mêmes circonstances pourra résulter en un peine de 40 ans ferme dans un comté et de la peine capitale dans un autre. J'ai aussi constaté que dans les cas avec plusieurs accusés, qui sont équitablement coupables ou plus, certains sont condamnés à de la prison ferme, alors qu'un autre moins coupable finira dans le couloir de la mort. Lors de mon étude au cas par cas, j'ai trouvé trois personnes relevant de cette catégorie, Mario Florez, Montel Johnson et William Franklin. Aujourd'hui, j'ai commué leurs sentences à des peines de 40 ans pour ramener celles-ci au niveau de celles de leurs co-accusés. Le juge Potter Stewart de la Cour Suprême a déclaré que l'application de la peine de mort pour plusieurs accusés d'un même crime est aussi arbitraire et effrayante que la foudre qui tombe. Pendant des années, la justice a défendu et appliqué la peine capitale pour les 17 hommes acquittés du couloir de la mort de l'Illinois. Alors que les vrais meurtriers arrêtés et poursuivis ont souvent écopé de sentence moindre que la mort. Dans le dossier de Ford Heights Four, Verneal Jimerson et Dennis Williams ont dû lutter contre leur sentence de mort pendant 18 ans avant d'être acquittés. Plus tard, les procureurs du Comté de Cook ont demandé la réclusion à perpétuité pour deux des vrais coupables et une peine de 80 ans pour le troisième. Qu'est-ce qui a rendu le meurtre, pour lequel les Ford Heights Four avaient été condamnés, moins haineux et moins passible de la peine de mort pour de nouveaux inculpés vingt ans plus tard ? Nous avons manqué de très peu de voir notre Cour Suprême statuer sur l'anticonstitutionnalité de la réglementation de la peine capitale, réglementation à laquelle j'avais contribué en 1977. L'ancien juge de la Cour Suprême, Seymour Simon, m'avait écrit que ce n'était qu'une question de temps avant que la plus haute cour de notre pays n'intervienne dans ce sens. Lorsqu'il a rejoint le barreau en 1980, trois autres juges avaient déjà indiqué que la peine de mort en Illinois était anticonstitutionnelle. Mais ils ont été frileux lorsque l'occasion s'est présentée d'étudier un cas. Un juge a écrit qu'il voulait attendre et voir si la Cour Suprême des Etats-Unis allait statuer sur l'anticonstitutionnalité de la nouvelle réglementation de la peine capitale en Illinois. Un autre a indiqué qu'un précédent l'obligeait à suivre, contre son gré, la décision de la Cour Suprême. Même un pharmacien pourrait vous dire que cela n'a pas de sens. Nous n'aurions plus la peine de mort aujourd'hui et nous ne serions pas là à nous débattre avec ce sujet si ces votes avaient été différents. Que d'arbitraire. Plusieurs années après avoir le vote de la nouvelle réglementation, Girvies Davis a été exécuté. Le juge Simon écrivait alors qu'il avait été exécuté à cause de l'anticonstitutionnalité de la peine capitale en Illinois. Le procureur avait renoncé à requérir la mort lorsque sa première condamnation avait été cassée et renvoyée pour un nouveau procès. Le procureur avait l'intention de demander la perpétuité. Mais entre temps, un nouveau procureur a pris ses fonctions et a changé de direction. À nouveau, il a requis et obtenu une sentence de mort. Davies a été exécuté. Où se trouve l'honnêteté ? Après que les failles de notre système ont été exposées, la Cour Suprême de l'Illinois a pris sur elle d'entamer une réforme et d'améliorer les procès pour les dossiers de peine de capitale. Elle a modifié les règles qui exigent qu'un préavis soit énoncé avant le procès, plutôt qu'après la condamnation. La Cour Suprême a également établi des règles complémentaires concernant les nouvelles preuves afin d'éviter des procès à surprises et pour permettre une meilleure enquête sur ces affaires dès le départ. Mais cela ne signifie-t-il pas que vous si vous avez été jugé ou condamné avant cette nouvelle loi, vous aurez droit à un nouveau procès avec les nouvelles dispositions comme garde-fou ? Cette question a divisé la Cour Suprême, certains pour, certains contre. Ces juges ont une vie d'expérience de la justice et je suis très préoccupé que ces grands esprits diffèrent à ce point sur une question aussi importante, surtout quand une vie est en jeu. Que devons-nous retirer de ces rapports qui démontrent que plus de 50 % des jurés en Illinois ne parviennent pas à comprendre les instructions embrouillées et obscures qu'ils doivent appliquer pour condamner ? Quel effet ce problème a-t-il eu sur la fiabilité de ces condamnations à mort ? Une révision des cas montre que souvent même les avocats et les juges sont déconcertés par ces mêmes instructions, ne parlons même pas des membres du jury présents. Les dossiers continuent d'arriver devant la Cour Suprême sur cette question pour savoir si les instructions fournies étaient correctes. J'ai passé beaucoup de temps à revoir ces dossiers. Mes collaborateurs, dont la plupart sont des juristes, ont passé de longues journées et de nombreuses nuits sans sommeil pour répondre à mes questions, pour me fournir des informations et pour me conseiller. Il m'est apparu très clair que quelle que soit ma décision, je serais critiqué. Il m'est également apparu évident qu'il était impossible de faire des choix fiables pour savoir si la peine capitale avait réellement rempli sa fonction. Alors que je m'approchais à grands pas de ma décision, je savais que j'allais devoir m'interroger sur la conviction profonde de mon choix susceptible de me mener à accorder la grâce à Danny Edwards qui avait assassiné un ami proche de ma famille. J'en ai discuté avec mon épouse, Lura Lynn, qui s'est tenue à mes côtés pendant toutes ces années. Elle était en colère et déçue par ma décision comme de nombreuses familles de victimes vont sans doute l'être. J'ai été marqué par la colère des familles de victime. Une famille m'a parlé de son deuil. Elle m'a imploré de permettre à l'Etat de tuer un prisonnier en son nom afin qu'elle puisse trouver la paix. Mais est-ce bien là le but de la peine de mort ? Est-ce fait pour apaiser les familles ? Et est-ce vraiment ce que les familles ressentent ? Je ne peux imaginer la douleur de voir un membre de sa famille assassiné. Pas plus que je ne peux imaginer me réveiller tous les jours pendant 20 ans avec une seule idée en tête : l'exécution du meurtrier. Le système de la peine capitale en Illinois est à ce point incertain qu'il n'est pas rare de voir certains dossiers prendre 20 ans avant qu'ils ne soient clos. Et je remercie Dieu. Si tout était allé plus vite, alors Anthony Porter, les Ford Heights Four, Ronald Jones, Madison Hobley et d'autres hommes innocents que nous avons acquittés, seraient probablement morts et enterrés. Mais c'est aussi une punition cruelle pour ces familles que d'endurer une telle souffrance dans ce brouillard juridique pendant 20 ans. Peut-être serait-il moins cruel de condamner ces meurtriers à la perpétuité et d'utiliser ces moyens financiers pour mieux assister les victimes. J'ai eu un énorme pincement au c¦ur lorsque j'ai écouté une grand-mère qui avait perdu ses petits-enfants dans un incendie criminel. Elle n'avait pas les moyens d'acheter une pierre tombale pour ses petits-enfants décédés. Pourquoi l'Etat ne peut-il pas aider les familles à offrir un enterrement décent à leurs proches ? Une autre victime est venue à notre réunion. Il pense qu'un prisonnier condamné à mort pour un autre crime lui a tiré dessus et l'a paralysé. Il dit que le prisonnier bénéficie de soins médicaux gratuits alors que lui, la victime, se débat pour payer ses frais médicaux et que, de fait, il a été obligé de laisser tomber les soins qui lui permettaient de soulager sa douleur physique. Quel genre de services proposons-nous aux victimes ? Est-ce que tous nos moyens financiers doivent être consacrés à cette notion d'apaisement en exécutant, plutôt que répondre concrètement aux besoins médicaux et sociaux des familles de victime ? Et quelle sorte de valeurs inculquons-nous à ces familles meurtries et à la nouvelle génération ? Comme Gandhi le disait, ¦il pour ¦il, dent pour dent ne fait que rendre le monde aveugle. Le Président Lincoln parlait souvent de la manière d'apaiser les souffrances pour préserver l'Union. " Nous ne sommes pas des ennemis, mais des amis. Nous ne devons pas être ennemis. Même si la passion nous aveugle, cela ne doit pas briser nos liens d'affection. " J'ai eu à considérer non seulement la nature horrible des crimes qui avait conduit ces hommes dans le couloir de la mort au départ, la terrible souffrance des membres d'une famille de la victime, le désespoir de la famille du condamné à mort, mais je devais aussi observer avec frustration les membres de l'Assemblée Générale de l'Illinois refuser d'accorder leurs votes à une seule réforme de fond sur la peine capitale ; pas une seule, ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur UNE réforme. Combien de preuves supplémentaires faudra-t-il pour que cette Assemblée Générale prenne sérieusement ses responsabilités sur ce sujet ? Le fait est que l'échec de l'Assemblée Générale à agir est purement symptomatique d'un problème plus grand. Beaucoup de gens expriment le désir de conserver la peine de mort. D'autres, beaucoup moins nombreux, semblent prêts à se confronter aux questions difficiles que soulève un système en faillite. Il est plus facile et plus confortable pour les politiciens d'être intraitable avec la criminalité et de soutenir la peine de mort. Cela rapporte des votes. Mais lorsqu'il s'agit d'admettre que nous avons un problème, la plupart d'entre eux courent se cacher. Les procureurs à travers notre état continuent de nier que notre système de peine capitale est brisé, ou alors ils disent qu'il y a un problème, mais que ce n'est qu'un problème mineur et que nous trouverons le moyen de le résoudre. Il est bien difficile de voir combien notre système ne peut pas être réparé lorsque pas une seule de ces réformes proposées par ma commission sur la peine capitale n'a été adoptée. Même les réformes qui avaient l'approbation des procureurs n'ont pas été adoptées. Alors quand ce système sera-t-il réparé ? Combien de risques pouvons-nous nous permettre ? Va-t-il nous falloir exécuter encore un innocent pour que la tragédie de la peine de mort en Illinois soit vraiment comprise ? Cet été, un juge d'un tribunal américain a déclaré que la peine capitale fédérale était anticonstitutionnelle et il a noté qu'avec le nombre récent d'acquittements résultant de tests ADN et des nouvelles technologies scientifiques, il ne fait aucun doute que nous avons exécuté des innocents avant l'émergence de ces technologies. Alors que je me prépare à quitter mes fonctions, j'ai dû me demander si je pourrais vraiment vivre en sachant l'occasion que j'aurais eu d'agir mais que je ne l'aurais pas fait, de peur d'être critiqué. Pouvais-je prendre le risque que le système de la peine serait réformé, que les erreurs judiciaires n'arriveraient plus, que des étudiants en journalisme entreprenant feraient encore acquitter des hommes du couloir de la mort ? Un système si fragile qu'il dépend de jeunes journalistes est un système sérieusement atteint. " Il n'y a pas de moyen honorable de tuer, pas de manière douce pour détruire. Il n'y a rien de bon dans la guerre, mis à part sa fin. " C'est ce qu'Abraham Lincoln disait à propos de la guerre sanglante entre nos états. Il s'agissait d'une guerre menée pour mettre fin à l'un des plus tristes chapitres de l'histoire américaine : l'institution de l'esclavage. Bien que nous ne soyons pas en guerre civile, nous faisons face à ce qui sera sans doute l'un des plus grands défis de notre temps. Stephen Bright du Centre du Sud pour les Droits de l'Homme a avancé que la peine de mort est requise de plus en plus fréquemment dans certains états contre les pauvres et les minorités. Notre propre rapport montre que le jury est plus enclin à choisir la peine de mort si la victime est blanche que si elle est noire, une probabilité trois fois et demie supérieure pour être précis. Nous ne sommes pas seuls. Encore ce mois-ci, le Maryland a publié un rapport sur son système de peine capitale et les disparités raciales y sont également présentes. Cette semaine, Mamie Till est morte. Son fils Emmett avait été lynché au Mississippi dans les années 50. C'était une militante déterminée dans la lutte pour les droits civiques et pour la réconciliation. En fait, il y a juste trois semaines, elle était l'un des orateurs principaux de la réunion de Murder Victims' Families for Reconciliation à Chicago. Ce groupe, dont j'ai rencontré beaucoup de membres, est opposé à la peine de mort alors qu'un de leurs proches est mort assassiné. La force de Mamie et sa grâce n'ont pas seulement dynamisé le mouvement des droits civiques - y compris Rosa Parks qui avait refusé de s'asseoir à l'arrière du bus - elle a aussi inspiré les membres de familles de victimes jusqu'à son dernier jour. Notre système est-il juste pour tous ? La justice est-elle aveugle ? Voilà les questions importantes en termes de droits de l'Homme. Un autre sujet que j'ai découvert lors de mon étude au cas par cas est celui du droit international. La Convention de Vienne protège les citoyens américains à l'étranger et les étrangers sur le sol des Etats-Unis. Elle dit que lorsque vous êtes arrêté, vous devez avoir la possibilité de contacter votre ambassade. Il y a cinq hommes dans le couloir de la mort qui se sont vus refuser ce droit internationalement reconnu. Le Président du Mexique, Vicente Fox, m'a contacté pour me faire part de sa préoccupation majeure quant aux violations de la Convention de Vienne. Si nous ne respectons pas les lois internationales ici, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos citoyens soient protégés à l'extérieur des Etats-Unis. Ma commission a recommandé que la Cour Suprême mène une analyse proportionnelle sur notre système en Illinois. Alors que nos cours d'appel effectuent une révision au cas par cas lors de la procédure d'appel, ils n'ont encore jamais effectué une révision d'ensemble. Au lieu de cela, nous bricolons avec du cas par cas lorsque l'appel suivant tombe sur le bureau. En 1994, quasiment à la fin de sa grande carrière à la Cour Suprême des Etats-Unis, le juge Harry Blackmun a écrit un rapport contradictoire sur la loi concernant la peine capitale. 20 ans plus tôt, il faisait partie de la cour qui a rendu la décision de référence sur Furman. La cour avait décidé que les statuts de la peine capitale, tels qu'ils étaient appliqués à travers le pays, étaient truffés de problèmes sévères qui les rendaient anticonstitutionnels. Honnêtement, il s'agissait des mêmes problèmes auxquels nous sommes confrontés en Illinois. Pour beaucoup, il semblait que la décision rendue sur Furman signifiait la fin de la peine de mort aux Etats-Unis. Cela n'a pas été le cas. De nombreux états ont répondu à cette décision en modifiant et en améliorant leurs statuts. En 1976, quatre ans après la décision sur Furman, le juge Blackmun a rejoint l'opinion majoritaire de la Cour Suprême des Etats-Unis en décidant d'accorder à ces états l'opportunité d'appliquer les nouvelles lois. Il y avait beaucoup d'optimisme dans l'air. C'était l'ambiance en 1977, lorsque le pouvoir législatif de l'Illinois était confronté à la décision de réintégrer la peine capitale dans ses statuts. Je faisais partie des membres de cette Assemblée Générale à ce moment-là et quand j'ai appuyé sur le bouton vert en faveur de la peine capitale dans ce grand Etat, je l'ai fait avec la conviction que quels qu'aient été les problèmes qui avaient affecté la peine de mort par le passé, ils n'existaient plus, ils avaient été guéris. Je suis certain que bon nombre de mes collègues, qui ont voté pour ce jour-là, partageaient mon point de vue. Mais 20 ans plus tard, après avoir valider des centaines de condamnations à mort, le juge Blackmun a réalisé, à la lumière de son honorable carrière, que la peine capitale était toujours porteuse d'arbitraire, de discrimination, de lubie et d'erreurs. Il a exprimé sa frustration après 20 ans de lutte pour développer des garde-fous tant sur la forme que sur le fond. Dans un rapport très connu qu'il a écrit en 1994, il dit : " A partir d'aujourd'hui, je ne bricolerais plus avec la machine à tuer. " L'une de mes déceptions pendant ma carrière législative et exécutive est que l'Assemblée Générale n'a pas su travailler avec moi pour réformer ce système profondément défaillant. Je ne sais pas pourquoi le pouvoir législatif n'a pas su entendre la voix de la réforme. Je ne sais pas combien d'autres erreurs systématiques nous allons devoir dévoiler pour qu'il passe à l'action. À trois reprises, j'ai proposé de réformer le système avec une formule qui aurait restreint l'utilisation des informateurs en prison, avec la création d'une commission nationale pour déterminer les cas passibles de la peine capitale et pour réduire le nombre de crimes passibles de cette sentence. Ces réformes n'auraient pas donné un système parfait, mais elles auraient permis de réduire considérablement le risque d'erreur dans l'administration de l'ultime sentence. Le Gouverneur a un rôle constitutionnel dans notre Etat afin d'agir dans l'intérêt de la justice et de l'honnêteté. Notre Constitution d'État donne au Gouverneur le pouvoir d'accorder la clémence, le pardon et la commutation de peine. Notre Cour Suprême a rappelé aux prisonniers qui ont fait appel que le dernier recours est la grâce du Gouverneur. Dans certains cas, la clémence du pouvoir exécutif a peut-être été une béquille pour les tribunaux afin d'éviter le changement majeur que je crois nécessaire pour notre système. Notre analyse systématique au cas par cas a dévoilé encore d'autres cas d'hommes innocents dans le couloir de la mort. Parce que notre étude menée pendant 3 ans a soulevé encore plus de questions sur l'honnêteté des condamnations ; à cause de l'échec spectaculaire de la réforme du système, parce que nous avons la justice reculer pour un grand nombre de condamnés à mort avec des requêtes légitimes, parce que la peine capitale de l'Illinois est arbitraire et capricieuse, donc immorale, je ne bricolerais plus avec la machine à tuer. Je ne peux pas le dire mieux qu'avec les mots du juge Blackmun. Le pouvoir législatif n'a pas su le réformer. Les législateurs n'ont pas voulu le rejeter. Mais je ne m'en tiendrais pas là. Je dois agir. Notre système de peine capitale est hanté par le démon de l'erreur, erreur dans la détermination de la culpabilité et erreur dans le choix, parmi les coupables, sur qui mérite de mourir. Pour toutes ces raisons aujourd'hui je commue les sentences de tous les condamnés à mort. Il s'agit bien d'une grâce générale. Je sais qu'elle provoquera le ridicule, le mépris et la colère de ceux, nombreux, qui sont opposés à cette décision. Ils diront que j'empiète sur les décisions des juges, des membres du jury et du pouvoir législatif. Mais comme je l'ai dit précédemment, les habitants de cet état s'en sont remis à moi pour agir dans l'intérêt de la justice. Même si l'exercice de mon pouvoir devient un fardeau, je le porterais. Notre Constitution l'exige. J'ai voulu ce mandat, et même pendant mes derniers jours je ne peux pas me soustraire à mon obligation de justice et d'honnêteté que celui-ci m'impose. Il y a eu de nombreuses nuits pendant lesquelles mon équipe et moi avons peu dormi afin de mener à bien notre étude. Mais je peux vous dire une chose : je vais bien dormir ce soir car j'ai pris la bonne décision. Comme je l'avais dit lorsque j'ai déclaré le moratoire, il est temps d'entamer une discussion sur la peine de mort. Alors que notre expérience en Illinois a réellement lancé le débat, nous sommes tombé à côté d'une discussion rationnelle. Pourtant, si je n'avais pas entrepris cette démarche, je crains qu'il n'y aurait eu aucune enquête complète et sérieuse sur la culpabilité des personnes dans le couloir de la mort ou sur l'équité des sentences prononcées. Je le répète une dernière fois, le système de la peine de mort en Illinois est cassé. Il a fallu de nombreuses vies d'hommes innocents qui d'un cheveu ont échappé à une exécution injuste. Le pouvoir législatif d'hier a refusé d'y remédier, le pouvoir législatif actuel et le nouveau Gouverneur doivent agir pour débarrasser notre état de la honte qu'est la menace d'une exécution sur la vie d'un innocent ainsi que l'injustice envers un coupable. Dans les jours à venir, je prierais que nous puissions ouvrir nos c¦urs et offrir aux familles des victimes autre chose que l'espoir de la vengeance. Lincoln a dit un jour : " J'ai toujours trouvé que la pitié nourrit des fruits plus riches qu'une justice stricte. " J'espère simplement qu'il en sera ainsi. Que Dieu vous bénisse et que Dieu bénisse les habitants de l'Illinois. Le 11 janvier 2003 |
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S. Fotiadi, Amnesty International, ACAT, bibliographie |
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